Cet article, publié dans Rue du Théâtre, est signé Suzane Vanina.
Une « Génération You Porn »? Le personnage central de cette fiction est une ex-actrice de films porno. Le texte est « inspiré de faits réels »; il est dû à une femme, mais c’est un homme qui a dirigé et mis en scène ce spectacle coup de poing, boomerang dirigé contre les consommateurs de films X (en majeure partie masculins) devenus de plus en plus avides de violence, de sadisme.
Comme une confession, un témoignage en toute discrétion face à un micro, c’est le parcours de vie, l’insidieuse dérive d’Estelle que l’on apprend, peu à peu.
Un mauvais départ, déjà : à l’âge de dix ans, elle se nourrit d’images porno, avant de tourner son premier film sept ans plus tard et aujourd’hui d’en compter trois cents, dont certains « d’une brutalité extrême », à son douloureux palmarès d’ « artiste ». Est-elle devenue « Roxanne Woolf », « actrice du X » ou une « travailleuse du sexe »? Son statut n’est pas clair.
Emilie Maréchal est Estelle, véritablement, d’une justesse et d’une incroyable authenticité, montrant toute « la détresse devant laquelle des millions d’êtres se sont masturbés ». On ne l’a pas encore beaucoup vue sur les planches (cela sert le personnage) mais bien au cinéma (« Tokyo Anyway ») ainsi qu’à la mise en scène.
Sa franchise est totale et les mots ne cachent rien d’une réalité qui reste encore un tabou: la pornographie, une forme de prostitution. Sujet délicat où la balance peut osciller entre discours moralisateur et liberté sexuelle. Mais on se prend à douter de la fiction tant ce témoignage d’un être abîmé, détruit, parait sincère !
L’auteure, elle, est Karin Bernfeld qui a à son actif plusieurs livres traitant d’un sujet qui l’obsède: le corps, l’être dépossédé de son propre corps, et s’intéresse également aux troubles du comportement alimentaire (anorexie-boulimie) et aux questions d’identité sexuelle.
Le metteur en scène Alexandre Drouet, a voulu laisser résonner ce cri dénonciateur qu’est « Plainte contre X », le soutenir en toute sobriété, afin non pas d’en faire une provocation gratuite mais un spectacle qui provoque… la réflexion.
L’intégralité de l’article