Cet article, publié dans La Libre Belgique, est signé Laurence Bertels.
Plainte contre X : à l’autre côté de l’écran
>Bien enveloppée dans son pull over, sa parka kaki, son jean, ses boots, ses beaux et longs cheveux noirs, Emilie Maréchal, alias Estelle, raconte ses premières expériences porno, ses premières heures d’addiction, l’engrenage, les désillusions, le chemin de croix, la totale destruction, l’inacceptable réalité, l’implacable et omnipotente loi de l’offre et la demande. La demande ? Vous, nous, eux, les spectateurs assis dans la salle, prêts peut-être, à se connecter à youporn en rentrant chez eux pour tromper leur solitude ou leur compagne endormie, pour rebooster la sexualité endolorie de leur trop vieux couple, pour éjaculer leur mal-être et le malaise du monde. Ejaculation, oui, sperme, saignements, déchirures, trio de bites pour un seul trou et l’on en passe, rien ne sera épargné tout au long de cette nécessaire, voire indispensable et étonnamment délicate « Plainte contre X » dont le leitmotiv, « Chienne, pute, salope » ponctuera le spectacle, les confessions, la révolte, le dégoût, la dénonciation de la banalisation du porno voire de ce genre d’insultes que les jeunes filles entendent parfois dans le métro le matin, entre deux croissants, juste avant de se rendre au travail, revêtues d’une jupe même pas trop courte. Ce métro dans lequel la narratrice se déplace également en se demandant combien de voyageurs se sont masturbés en la regardant dans un film classé X. Accro aux images dès 10 ans, elle joue dans son premier film à 17 ans. Elle a d’abord été abusée par son père, a connu une enfance blessée comme tant d’actrices du X dont la souffrance est quotidienne derrière les faux sourires, les faux semblants. Non, elles n’aiment pas cela. Un spectacle sur le porno, interdit aux moins de 16 ans non accompagnés, une « Plainte contre X » inspirée d’une histoire en partie autobiographique, une pièce trash, militante, imparfaite mais confrontante, agrémentée de rencontres importantes comme celle avec l’auteure Karine Bernfeld, le 25 février, il n’y a que le Poche, dont Olivier Blin vient de reprendre la direction, pour faire cela, un théâtre qui draine un public jeune et nombreux, qui accorde autant d’importance aux faits de société qu’à la démarche artistique et qui du harcèlement au porno en passant par ces « Chatouilles » , qui avaient tant fait parler d’elles, ne cesse d’interroger le présent. L’intégralité de l’article