Cet article, publié dans Agenda Magazine, est signé Gilles Bechet.
Plainte contre X : à l’autre côté de l’écran
Le porno est chic, le porno est mainstream, il est accessible d’un simple clic. Mais de l’autre côté de l’écran, que se passe-t-il ? Le consommateur lambda s’en soucie-t-il ? Dans les traces d’Estelle, accro au porno à 10 ans, actrice à 17, Karin Bernfeld imagine un monologue déstabilisant qui raconte l’envers du décor, les conditions de certains tournages, la souffrance des actrices exhibées comme chair à fantasme et la réalité crue derrière les vidéos les plus dures, sans oublier ce qui est coupé au montage et qu’on ne veut pas voir, comme le sang et les excréments.
Plainte contre X a choisi son camp. Avec l’histoire d’Estelle, une jeune fille en détresse, perdue, abîmée par plusieurs viols, dépossédée de son corps, comment pourrait-il en être autrement ? Sur scène, Emilie Maréchal est la voix d’Estelle, qui intègre le milieu porno dans une permissivité bon enfant pour glisser peu à peu vers des tournages où seule la violence tient lieu de transgression. Le dispositif scénique imaginé par Alexandre Drouet, le metteur en scène, inclut un écran où défilent des images des consommateurs, acteurs invisibles de l’industrie pornographique, des hommes, des femmes, qui jouissent dans le déni ou l’ignorance. C’est un spectacle qui tranche comme un cri de révolte, de détresse contre un monde où tout se vend, y compris les personnes. Une déposition contre une société complètement soumise aux lois du commerce et du profit, où la consommation écrase et détruit l’humain, consommateur ou consommé, jusqu’à faire de la torture un commerce.
